Tout pour le bac

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Complément de cours sur l'OE: le personnage de roman du XVIIème s. à nos jours

Le nouveau roman, un faux mouvement littéraire contre le roman traditionnel

 

Intro : Le roman réaliste, développé par Balzac avec sa condition humaine, gigantesque fresque de 95 romans achevés, ou Stendhal qui écrivait dans sa préface du Rouge et le Noir que « le roman est un miroir qu’on promène sur une grande route » faisant ainsi de la littérature romanesque une illusion du réel. Pas de demi-mesure pour le réalisme : il faut guider son lecteur dans une fresque qui mime le réel dans ses moindres détails, aussi bien physiques que psychologiques, surtout chez Stendhal. Ainsi le caractère des personnages, leur physique et le milieu dans lequel ils évoluent méritent toute l’attention des écrivains réalistes qui désirent reproduire la société. Balzac disait de sa comédie humaine qu’il voulait « faire concurrence à l’état civil » et ainsi représenté toutes les classes sociales avec ses 4000 à 6000 personnages dans une immense fresque romanesque. *lire incipit du Père Goriot, 1835*

 

Plusieurs mouvements s’érigeront au XXème siècle contre ce systématisme réaliste et ses codes. L’artiste surréaliste s’érigeait contre les conventions romanesques et notamment celle du langage qui reflète les modes de pensée, le système de valeurs et l’organisation d’une société. Leur premier principe consistait à remettre en cause cette convention et créer de nouveaux rapports entre les mots et d’exprimer le fonctionnement réel de la pensée comme l’écrivait André Breton dans son manifeste du surréalisme en 1924. La devise surréaliste illustre cette idée: « "Beau comme la rencontre fortuite d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection". Ainsi la folie et l’inconscient sont les thèmes privilégiés de ce mouvement.

 

Le nouveau roman :

Contexte :

Suite aux traumatismes de la 2nde GM avec notamment les bombes atomiques lancées au Japon et les camps de concentration en Europe, l’optimisme et la croyance en l’humanité ne semblent plus de mise. La période qui suit voit apparaître des écrivains philosophes engagés politiquement comme Albert Camus, Simone de Beauvoir ou Sartre qui s’expriment dans la revue des Temps Modernes développant l’idée d’une responsabilité des intellectuels. Le contexte d’après-guerre est à prendre en compte pour comprendre comment s’insèrent ces ouvrages d’un type nouveau qui reflètent la société. Les « trente glorieuses » font entrer la France dans l’ère de la consommation selon le fonctionnement de la société américaine. Ainsi le triomphe de la société de consommation est illustré par Georges Perec dans Les Choses en 1965. Ces changements s’accompagnent d’une forte morosité et d’un sentiment d’injustice qui conduira aux mouvements sociaux de 1968.

 

Histoire du Nouveau Roman :

Le scandale :

Tout commence avec le roman d’Alain Robbe-Grillet en 1955, Le Voyeur, qui divise le jury du prix des Critiques dont certains membres estiment qu’il relève davantage de la correctionnelle ou de l’enfermement à Sainte-Anne. Résumé :

« Matthias est un voyageur de commerce, spécialisé dans la vente au porte à porte de montres, qui décide de passer la journée dans son île de naissance pour vendre sa marchandise. Méticuleux et précis, il a 6 heures pour faire le tour de l'île et tenter d'écouler ses 89 montres qu'il transporte dans une valise avant de reprendre le bateau qui le ramènera le soir, après trois heures de traversée, chez lui. Tout est organisé, les méthodes, les parcours, les durées. Cette minutie remonte à son enfance où déjà tous les détails prenaient une place importante dans sa vie. Matthias avait notamment la passion des cordelettes qu'il collectionnait. Devenu adulte, il en garde toujours une sur lui, dans la poche de sa canadienne. C'est avec ses montres et sa cordelette qu'il débarque sur l'île et commence sa tournée, jusqu'à la rencontre de la petite Jacqueline, écho d'une lointaine et mystérieuse Violette. »

Les éditions de minuit publient plusieurs ouvrages décalés d’auteurs comme Beckett, Butor, Simon ou Duras.

 

Poétique :

Dans le Nouveau Roman comme dans le théâtre de l’absurde, les éléments traditionnels du roman (refus de l’intrigue et du personnage traditionnel) disparaissent ou se modifient. L’objet a une place plus importante que le personnage. Ce double refus s’illustre chez Butor avec sa modification, prix Renaudot en 1957, qui est la simple évocation d’un voyage en train. Le roman raconte l’évolution purement intérieure du personnage, Léon Delmont, 45 ans, qui, lorsqu’il doit retrouver sa maîtresse à Rome alors qu’il a femme et enfants à Paris, décide de ses choix à suivre. Narration à le 2ème pers. du pl., focalisation externe, extrait :

«  Assis, vous étendez vos jambes de part et d'autre de celles de cet intellectuel qui a pris un air soulagé et qui arrête enfin le mouvement de ses doigts, vous déboutonnez votre épais manteau poilu à doublure de soie changeante, vous en écartez les pans, découvrant vos deux genoux dans leurs fourreaux de drap bleu marine, dont le pli, repassé d'hier pourtant, est déjà cassé, vous décroisez et déroulez avec votre main droite votre écharpe de laine grumeleuse, au tissage lâche, dont les nodosités jaune paille et nacre vous font penser à des œufs brouillés, vous la pliez négligemment en trois et vous la fourrez dans cette ample poche où se trouvent déjà un paquet de gauloises bleues, une boîte d'allumettes et naturellement des brins de tabac mêlés de poussière accumulés dans la couture. »

 

Critique : « Lors d'un aller Paris-Rome en train, un passager remet en question son existence, ses choix, avant de se résigner à la médiocrité. Léon Delmont, 45 ans, est un homme qui a réussi. Pourtant, il étouffe auprès d'une épouse acariâtre et de quatre enfants qui sont pour lui des étrangers. Tandis qu'il se rend à Rome, comme chaque mois, il repense à sa maîtresse, la belle romaine, Cécile, qu'il a l'intention de faire enfin venir à Paris pour qu'ils vivent ouvertement ensemble. Il a donc pris une décision. Mais la fatigue du voyage en troisième classe et les souvenirs de nombreux autres voyages effectués seul, avec sa femme ou avec Cécile, vont peu à peu modifier cette décision. Avec La Modification, récompensé par le prix Renaudot en 1957, Michel Butor réussit le pari de raconter le bouleversement d'une vie à l'intérieur d'un compartiment, en l'espace de vingt heures. Le style extrêmement original, néo-réaliste, partagé entre le présent du voyage en train, le passé immédiat et le futur proche (-> éclatement de l’unité d’action), caractéristique du Nouveau roman, est notamment remarquable par l'utilisation de la deuxième personne du pluriel : "Vous êtes encore transi de l'humidité froide qui vous a saisi lorsque vous êtes sorti du wagon". De ce huis clos, Delmont n'est pas le seul à sortir "modifié" : le lecteur, directement interpellé par l'auteur, reste subjugué. »

Chez Duras, les personnages sont de simples pronoms personnels « elle » et « lui » dans Hiroshima mon amour, 1972. Robbe-Grillet, La Jalousie, 1957, les perso sont des initiales. Chez Beckett, L’innommable, 1953, Mahood est un perso qui pourrit dans une jarre. Du personnage il ne reste que l’essentiel : la parole.

 

Un faux mouvement :

Il existe plusieurs manifestes comme L’Ere du soupçon de Nathalie Sarraute en 1956 ou Pour un Nouveau Roman en 1963 de Robbe-Grillet. Cette forme traditionnelle de communication s’accompagne d’une exploitation de la veine médiatique. Lors d’un colloque organisé par Jean Ricardou en 1971 intitulé « Pour un nouveau roman, hier, aujourd’hui » paraît des participants trop dogmatiques et se termine sur un désaccord général. Mais dès 1958, Robbe-Grillet expliquait déjà : « Les éléments positifs sont personnel à chacun d’entre nous. Et si un certain nombre de romanciers peuvent être considérés comme formant un groupe, c’est bcp plus par les éléments négatifs ou par le refus qu’ils ont en communs en face du roman traditionnel ».

 

Ouverture : Il existe peu de chance de voir ressurgir des structures aussi fortes ds un contexte de communication éclatée comme aujourd’hui. Le mouvement littéraire serait donc une notion périmée qui rend compte des formes culturelles passées. Le passage au régime médiatique nécessite une structure des mouvements différente, moins structurée ou construite qu’antérieurement.



11/04/2013
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