Tout pour le bac

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Les bases de la poésie

Connaître les bases de la poésie :

I Histoire du genre

A- La poésie du XVI et du XVIIème : imitation, inspiration et engagement

A1/ La Pléïade

Héritiers de la Renaissance humaniste, sept poètes imposent au cœur du XVIème siècle une école animée par le culte commun des Lettres antiques et forment La Pléïade. Nourris par la libre imitation des Anciens, ils proposent une poésie savante par imitation qui réactive les mythes et exploite les richesses de la langue française dans un souci constant de création innovante. Les poètes de cette école menée par Du Bellay et Ronsard transforment le processus d’imitation en une poésie libre personnelle.

*Œuvre clé : -Manifeste notable de la Pléïade : 1549, Du Bellay, Défense et illustration de la langue française.

> Du Bellay se fait le défenseur de la langue française et affirme son égale dignité avec le latin et le grec. Il prône donc l'enrichissement de la langue française au moyen de l'imitation des auteurs anciens -> il faut créer des règles, une grammaire de la langue française. Il critique néanmoins la traduction qu'il trouve trop servile et qui ne permettait pas de rendre compte de la richesse de l'œuvre originale. Il faut donc créer des mots nouveaux capables d’exprimer les idées les plus complexes, les sentiments amoureux notamment, pour doter la langue française de tout le prestige et la valeur qui étaient propres aux langues anciennes, surtout grecques et latines (latin = langue des échanges européens).

 

Cette mission ambitieuse implique de hisser le statut de poète à celui d’un créateur, quasi divin, qui confère l’immortalité :

Citation : 1550, Ronsard, Odes, Livre I : « Ton nom que mon vers dira / Tout le monde remplira / De ta louange notoire »

 

A1-1/ Les formes et les thèmes nouveaux :

-L’emprunt à l’Italie est riche :

* La forme des poèmes se modernise avec le sonnet introduit en France par Clément Marot : 14 vers divisés en 2 quatrains et 1 sizain (ou 2 tercets) avec des rimes généralement embrassées (ABBA/ABBA/CCD/EED= italien ou EDE= français) + alternance rimes masc. et féminines.

-> Du Bellay le popularise dans son recueil L’Olive, 1549-1550.

* Le thème est hérité du poète italien Pétrarque (1304-1374) : il s’agit de peindre l’amour (fictif) sublimé d’un poète pour une femme. Exploiter ce thème et cette forme s’appelle « pétrarquiser ».

*Œuvres clé :

- 1552, Ronsard, Les Amours de Cassandre. Recueil consacré à l’amour impossible du poète pour Cassandre.

- 1555-1556, Ronsard, Les Amours de Marie. Ronsard s’éprend d’une paysanne « fleur angevine de quinze ans », Marie Dupin. Un Second livre des Amours en 1578 contient les sonnets Sur la mort de Marie. Y figure un poème commandé par Henri III qui venait de perdre sa maîtresse Marie de Clèves. Ronsard écrit en pensant à son amour passé et confère à ce poème de circonstance une dimension authentique. *Lecture Analytique Comme on voit sur la branche… - II, 4*

- 1578, Ronsard, Les Sonnets pour Hélène, ex : « Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, / Assise auprès du feu, dévidant et filant, / Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant : / « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ! »… »

De nombreux recueils sont écrits et la lassitude s’installe : Du Bellay écrit donc un poème contre le pétrarquisme dès 1553 « J’ai oublié l’art de pétrarquiser / Je veux seulement d’amour franchement deviser / Sans vous flatter et sans me déguiser. » -Recueil de poésie, 2è éd.-

- Le sonnet est salué au cours des siècles, Boileau (fin XVIIè) : « Un sonnet sans défauts vaut seul un long poème » ; Baudelaire dans une lettre de 1860: « Parce que la forme est contraignante, l’idée jailli plus intense. Tout va bien au sonnet, la bouffonnerie, la galanterie, la passion, la rêverie, la méditation philosophique. » Mais Molière s’en moque dans Les Femmes savantes, où un ridicule poète précieux lit son « Sonnet sur la fièvre de la princesse Uranie » qui fait se pâmer son auditoire de femmes savantes tout aussi ridicules.



A1-2/ Formes antiques renouvelées :

-Ronsard publie ses Odes, 1550, poèmes épicuriens invitant à la jouissance de l’instant. Inspirées du Grec Pindare et du Latin Horace (« cape diem » = Cueille le jour présent, topos poétique) -> destinées à être chantées (envolée lyrique) par un chœur qui évolue en 3 parties nommées « triades » (strophe, antistrophe, épode) dans la forme traditionnelle antique en tout cas. Odes de Ronsard chantent gloire Henri II, princes et grands personnages -> thèmes mythologiques basés sur l’accumulation d’invocations, apostrophes, interrogations.

-Boileau (XVIIè) en parlera comme d’un « beau désordre » alors que Saint-Beuve (XIXè) dira « C’est un bijou que cette petite pièce, tout y appartient à Ronsard : l’idée et le rythme ».

-> exemple : A la forêt Gastine, Odes, II, 15, éloge épicurien de la nature consolatrice et inspiratrice. « Couché sous tes ombrages verts, / Gastine, je te chante / Autant que les Grecs par leurs vers / La forêt d’Erymanthe. » (réf à Hercule)

 

- Ronsard, Les Hymnes, 1555, mêmes thèmes mythologiques que les Odes, éloge d’un être humain ou d’une entité, inspiration chrétienne et mythes païens, Hercule chrétien, hyperboles, allégories, mètre = alexandrin, rime plate. Parfois, fragments d’épopée => récit animé qui inspirera le poète André Chénier (XVIIIè) et les Parnassiens (fin XIXè).

-> ex : Hymne de la Mort (lieu commun philosophique de l’acceptation de la mort pour mieux vivre. Méditation morale (inspirée de Lucrèce (-Ier siècle)). « Si les hommes pensaient à part eux quelquefois / Qu’il nous faut tous mourir, et que même les Rois / Ne peuvent éviter de la Mort la puissance, / Ils prendraient en leurs cœurs un peu de patience. »

 

Transition entre la Pléïade et la poésie baroque :

En 1558, Ronsard, « prince des poètes et poète des princes», devient « conseillé et aumônier ordinaire du Roi » -Henri II- au cœur des conflits de religion où il ne s’agit plus que de célébrer l’amour mais de s’engager dans la politique. Il désire « guider » l’enfance du prince et « témoigner » des malheurs de son temps. Il écrit le Discours sur les misères de ce temps et sa continuation dès 1562, polémique contre la prise des armes des Réformés (protestants) : « Mais ces nouveaux chrétiens qui la France ont pillé, / Volée, assassinée, à force dépouillée, [] / Vivent sans châtiment, et à les ouï dire, C’est Dieu qui les conduit, et ne s’en font que rire. »

=> L’histoire du genre poétique est celle d’une libération progressive des formes codifiées au cours des siècles.

Les guerres de religion divisent les artistes et bouleversent le paysage littéraire. Arrive la génération des poètes baroques qui, jusqu’au dernier tiers du XVIIè s., s’impose dans sa diversité.

A2/ La poésie baroque et engagée :

Dans cette période de troubles politiques et religieux ainsi que d’innovations scientifiques (géocentrisme : Terre au centre de l’Univers devient obsolète, désormais Copernic prouve le modèle héliocentrique, les planètes tournent autour du soleil) ainsi que la découverte des Amériques modifient la vision du monde qu’ont les hommes qui se retrouvent déstabilisés dans leurs repères qu’ils croyaient immuables. Les thèmes de la métamorphose, du changement, de l’illusion de la réalité, de la mort prennent forme dans les créations artistiques qui associent des éléments opposés au sein de fresques extrêmement riches. * LC2 : peinture de Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs, 1533 + brève étude*

-Agrippa d’Aubigné écrit en 39 ans une œuvre monumentale publiée en 1616, Les Tragiques, en 7 chants ou livres de « misères » à « apocalypse » contre la Rome catholique, pour l’Eglise Réformée. Il y peint, grâce à des images puissantes et apocalyptiques, la damnation des catholiques contre les protestants qui sont restés fidèles à leur foi.

Ex : France, mère affligée, allégorie de la France meurtrie par ses enfants jumeaux qui représentent chacun les 2 religions et qui s’entre-déchirent sur le sein de leur mère.

A3/ Prolongement au XVII et XVIIIè :

- Ces siècles s’illustrent peu dans le genre poétique. * Au XVIIème, il faut connaître Malherbe qui désire épurer la langue (pudeur du sentiment grâce à un lyrisme impersonnel, ex : Consolation à M. Du Périer) et fixer l’agencement des strophes : sizains d’alexandrins et dizains d’octosyllabes. Le poète doit être un ouvrier du vers et non un prophète : « Un bon poète n’est pas plus utile à l’Etat qu’un bon joueur de quilles ». En revanche il reprend orgueilleusement l’idée que ses poèmes assurent l’immortalité : « Ce que Malherbe écrit dure éternellement ! ». * Au XVIIIème, André Chénier se caractérise par une poésie plastique et musicale en retrouvant l’enthousiasme créateur de Ronsard : « L’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète ». Non publié de son vivant (il faut attendre 1819), il inspire les poètes romantiques surtout avec La jeune Tarentine, une jeune femme fauchée dans la fleur de l’âge et dont la douleur est présente dans les éléments ; « Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine. […] / Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes, / Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil, / Répétèrent : « Hélas ! » autour de son cercueil. »

B- La poésie du XIXème, du Romantisme au Symbolisme :

B1/ Le Romantisme

B1-1/ Contexte et origine

-Comprendre le contexte : essor de la classe bourgeoise suite à la révolution de 1789 qui condamne les artistes à l’immobilisme social les plonge dans une mélancolie baptisée « mal du siècle ». L’écrivain se voit sacralisé et maudit à la fois. Vigny dans sa pièce de théâtre Chatterton, 1835, met en scène la condition du poète dans cette société bourgeoise. A la fin de la pièce, Chatterton avale du poison après avoir lu la lettre du lord-maire qui lui offre une place de valet. -> se développent des sociétés parallèles comme la bohème (artistes qui vivent au jour le jour)

- Origines du Romantisme, surtout romanesque, dès le XVIIIè avec Rousseau, Chateaubriand mais surtout l’influence allemande avec Mme de Staël, Goethe et Benjamin Constant. Le Romantisme est repris et développé par V. Hugo, artiste polyvalent et engagé qui en écrit un manifeste dans la préface de Cromwell en 1827 : il met en avant la permanence d’une contre-culture populaire souterraine incarnée dans des personnages comme Figaro (Beaumarchais) et caractérisés de « grotesque ». L’inspiration naît de la confrontation des opposés entre le « grotesque » et le « sublime », deux éléments fondamentaux qui composent la Nature (vie/mort ; jour/nuit ; ex romanesque personnage de quasimodo, dans Notre Dame de Paris, au physique grotesque mais à l’âme sublime…-> espoir) qui permettent au poète d’accéder au monde des contemplations. Le poète romantique est altruiste : son expérience d’homme est universelle, préface dans Les contemplations, 1856 « Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous… Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! » et se voit comme un guide du peuple. Les Rayons et les Ombres, 1840, « La fonction du poète » -

B1-2/ Poétique du Romantisme

-Le moi est l’expression lyrique d’un « je » qui s’exprimerait au nom de tous d’où le développement du journal intime et de l’autobiographie. Hugo dans son recueil Odes et Ballades, 1822 : « la poésie, c’est tout ce qu’il y a d’intime dans tout ».

-L’amour malheureux, la confrontation avec la perte des idéaux, toutes les occasions de larmes sont autant d’expressions privilégiées de la sensibilité poétique: l’inquiétude humaine devant le destin implique la recherche de l’amour, toujours éphémère et aspirant à l’éternité, que le poème peut lui procurer d’où la thématique de la fuite du temps et du souvenir inscrit dans les éléments, témoins d’un bonheur passé. *Lamartine, Les méditations poétiques, « Le Lac »

-Le recours à ce qu’on appelle la « couleur locale » donne de l’importance aux décors dans le souci de logique contextuelle. Cette mode vient de l’attrait pour l’Orient (déchiffrement des hiéroglyphes, 1822, Champollion). Hugo a connu une période qui semble choisir l’art pour l’art : « Tout est sujet ; tout relève de l’art ; tout a droit de cité en poésie… Le poète est Libre », préface du recueil Les Orientales en 1829. La poésie devient rythme pur avec des tableaux méditerranéens comme dans Djinns et le chant de la Grèce qui montre qu’Hugo est en faveur de l’indépendance hellénique, l’Enfant.

-Le romantique rejette la charpente trop structurée de l’alexandrin classique avec sa césure à la 6è syllabe. Il multiplie les coupes, accumule les rejets et les enjambements. Il n’écarte aucun mot du vocabulaire : « Je fis souffler un vent révolutionnaire. / Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. », Les Contemplations, 1856.

B2/ Le Parnasse

 

B2-1/ Poétique du Parnasse

 

- Le mont Parnasse est, dans la mythologie grecque, le lieu de résidence d'Apollon et des neuf Muses. Cet usage métonymique désignant une assemblée de poètes est remis au goût du jour par l'éditeur Alphonse Lemerre qui publie à partir de 1866 une anthologie de poésie moderne qui prend le nom de Parnasse contemporain. Le mot séduit les poètes qui se reconnaissent dans leur réaction contre le Romantisme. D'abord groupés autour de Théophile Gautier,  ils se réunissent le samedi soir chez Leconte de Lisle : José-Maria de Heredia, Banville, Villiers de l’Isle-Adam, Sully Prudhomme, François Coppée apparaissent comme les plus représentatifs. À l'épanchement personnel, les Parnassiens opposent un souci d'impersonnalité qui leur fait fuir les « facilités » du lyrisme. Leurs métaphores, constamment empruntées au domaine de la sculpture, prônent le travail poétique, résolument asservi au culte d'une forme parfaite. Loin de l'engagement social des Romantiques, ils se prononcent enfin pour une retraite hautaine, tout entière vouée à la célébration d'une Beauté divinisée. Ces tendances se prolongeront dans le Symbolisme. Préface de Mademoiselle de Maupin, 1835 ; 1er manifeste de « l’art pour l’art »

B2-2/ Exemple par le texte

Leconte de Lisle, Poèmes Barbares, « le rêve du jaguar », 1862

B3/ Le Symbolisme

B3-1/ Entre Parnasse et Symbolisme

- Sorte de remise en cause du Parnasse, le symbolisme a pour chef de file officieux Stéphane Mallarmé qui n’est par ailleurs pas adepte de toutes les caractéristiques de ce mouvement. Le Parnasse est critiqué pour son respect absolu de la forme et d’Aurevilly disait en 1866 que « la poésie parnassienne ne pense ni ne sent. Elle n’est qu’un vil exercice à rimes, à coupes de vers, à enjambements. » L’art parnassien est désacralisé par l’esprit décadent représenté par une jeunesse qui se réuni dans des cabarets comme Le Chat Noir à Montmartre. On y trouve des groupes comme les « Jemenfoutistes » par exemple.

- Le manifeste du Symbolisme paraît dans le Figaro le 18 septembre 1886 faisant du symbole le signe d’une réaction contre le règne naturaliste et donnant la priorité à une poésie rythmée. Jean Moréas fonde également une revue, Le Symboliste dès octobre 1886 qui complète ce manifeste. Tous les arts semblent touchés par ce mouvement, en peinture il s’appelle le nabisme qui peint des figures évanescentes des rêves ; en musique, Wagner est célébré par Mallarmé qui s’inspire aussi de Debussy pour écrire L’après-midi d’un faune en 1894.

B3-2/ Poétique du Symbolisme :

- Pour eux, la littérature doit être un culte exclusif du beau ce qui l’enferme dans un hermétisme auquel seule une élite peut accéder. On abandonne l’alexandrin pour une métrique de l’impair inspirée par la musique. Le précurseur est Paul Verlaine (1844-1896) dans son poème « Art poétique » tiré du recueil Jadis et naguère : « De la musique avant toute chose,/ Et pour cela préfère l’impair,/ Plus vague et plus soluble dans l’air,/ Sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». Ces vers à la métrique différente s’appellent vers libres et sont exploités et rendus célèbre notamment par Rimbaud (1854-1891). Ex. : le poème « Marine » dans son recueil des Illuminations.

- La poésie Symboliste constitue une unité entre la sensation et l’idée en utilisant le symbole « in abstantia », c’est à dire que l’élément symbolisé n’apparaît pas et le lecteur doit décrypter le texte. Mallarmé explique cette idée dans son Enquête sur l’évolution littéraire : « Nommer un objet, c’est supprimer les trois-quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. » Il s’agit de désigner le monde tout en le masquant. Dans la préface de cet autre manifeste publié par René Ghil en 1886, Le traité du verbe, Mallarmé écrit dans la préface un exemple de cette loi symboliste : « Je dis : une fleur ! et hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets. » Le Symbolisme est une prise de conscience de la poésie comme essence même de la parole aboutissant à la poésie moderne.

- A l’origine de ces tendances modernes, s’érige Baudelaire (1821-1867). Lui aussi cherchait une fonction à la littérature, l’adaptant à une nouvelle forme poétique dont l’esthétique consiste à faire surgir la beauté et le sublime de la réalité la plus triviale, comme le témoigne le titre de son recueil entre le mal et la beauté, pour atteindre un idéal inaccessible. Pour tâcher d’y parvenir il utilise des figures poétiques qui associe les cinq sens et qu’on appelle « les correspondances ». Ce procédé est réutilisé chez Rimbaud et se nomme « synesthésies ».



20/05/2014
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